Une ZAD culturelle au cœur de Paris

Par ces temps mauvais dont les vents soufflent avec force, il est toujours réjouissant de revenir sur une victoire, même provisoire, du camp du partage et de la solidarité.

Depuis la rentrée 2019, un collectif d’associations occupe illégalement le cinéma La Clef, dans le 5earrondissement de Paris. 

Salle d’art et d’essai créée dans la foulée de Mai 68, ce lieu, propriété du C.S.E. de la Caisse d’Épargne d’Île-de-France, était fermé depuis deux ans quand associations et habitant·es du quartier prennent la décision de rouvrir l’endroit dans une logique autogestionnaire. L’association Home Cinéma est née. 

Œuvres hors circuits, films oubliés, documentaires militants et courts métrages nourrissent la programmation et attirent très rapidement des milliers de spectateurs qui apprécient autant la qualité de la programmation que le principe du droit d’entrée à « prix libre ».

Les élus du C.S.E. de la Caisse d’Épargne ne l’entendent pas de cette oreille et multiplient, dès l’automne 2019, les recours pour que les occupants vident les lieux et qu’une juteuse opération de vente des locaux à des promoteurs puisse avoir lieu.

Les différentes procédures judiciaires aboutissement finalement, le 28 octobre 2020, en appel, à une décision favorable aux occupants illégaux. Plus d’astreinte financière et un délai de 6 mois accordé à l’association Home Cinéma. 

À ce stade, rien n’est pourtant définitivement gagné car la Ville de Paris ne semble pas – en dépit de déclarations favorables de plusieurs élu·es – se diriger vers une préemption.

Du coup, de nouveaux vautours rôdent autour de ce petit îlot culturel qui résiste. Le groupe SOS, dont le nom n’est cependant pas synonyme de philanthropie, est déjà à la manœuvre. Ce groupe qui se targue d’être un leader de l’économie sociale et solidaire, dirigé par un pilier de la macronie, développe son chiffre d’affaires en apportant des solutions toutes faites à des milliers d’associations. Dans son escarcelle, plusieurs hôpitaux privés et une soixantaine d’EHPAD.

Toujours pressés de vendre, les élus du C.S.E. de la Caisse d’Épargne ont voté le principe de la signature d’un compromis de vente avec le groupe SOS, dont le projet n’a toujours pas été dévoilé.

En dépit d’appels du pied de représentants du groupe SOS en direction du collectif des occupants, ces derniers refusent la logique marchande à l’œuvre, derrière ce projet de rachat et ont multiplié les fins de non-recevoir en direction de ces sirènes de la rentabilité.

L’association Home Cinéma ne renonce pas pour autant à la poursuite pérenne du projet citoyen et autogestionnaire de partage de la culture. Une campagne de crowfunding, destinée à récolter les 4 millions d’euros nécessaires à l’achat des lieux est en cours.

Soutenir cette ZAD culturelle, qui résiste au cœur de Paris, c’est participer à la lutte contre la marchandisation généralisée et l’uniformisation culturelle. 

Philippe Rajsfus