Tout sur la Commune de Paris… ou presque !

LA COMMUNE DE PARIS. 1871. LES ACTEURS, LES ÉVÉNEMENTS, LES LIEUX. COORDONNÉ PAR MICHEL CORDILLOT, ED. DE L’ATELIER, 2021.

Quel défi se sont lancés plus de trente chercheurs emmenés par Michel Cordillot  : rassembler dans un ouvrage de 1 438 pages la connaissance la plus large et néanmoins précise de cet évènement historique, objet de tant de livres, d’articles que Quentin Deluermoz considère qu’il est impossible à une seule personne de tous les lire. La diversité communarde apparaît dans les 500 biographies sélectionnées dans le Maitron, célébrissime dictionnaire biographique du mouvement ouvrier. Il faut suivre le conseil de Michel Cordillot et se rendre sur le Maitron-en-ligne pour découvrir 17 500 autres. Le point commun de toutes ces femmes et ces hommes  ? «  Leur vie a été profondément marquée par la Commune, qu’elle ait constitué un aboutissement, un épisode central de leur existence, ou un point de départ dans leur engagement ultérieur.  »

Ce dictionnaire déjà riche de la relation de ces existences hors du commun est scandé de notices thématiques. Connaît-on vraiment l’histoire de la Commune, la chronologie des évènements  ? Comment vivait-on à Paris pendant ces 72 jours, 73 si l’on intègre la résistance du fort de Vincennes jusqu’au 29 mai  ? Quels sont les grands débats  ? Fut-elle socialiste ou sociale  ? Et l’après-Commune  ? Comme disait Georges Renard, «  revenir d’exil, c’est encore s’exiler  ». L’étude des évènements est-elle enfin achevée  ?

Au croisement de tant de destins

Quelles sont les causes de la Commune  ? Une aspiration politique majeure  : la République, mot générique qui anime les oppositions à l’Empire… Un contexte économique et sociale dit de révolution industrielle qui, pour beaucoup, se traduit par la misère, l’exploitation, la naissance du prolétariat, il suffit de relire Varlin, Malon… Paris est en pleine transformation, explosion économique, le décalage entre la capitale, révolutionnaire, dynamique et la province rurale, traditionnelle sous le contrôle des hobereaux et des conservateurs aura des conséquences pendant la Commune. La déclaration au peuple français du 20 avril 1871 recevra peu d’échos. Pour autant, n’y eut-il de Communes qu’à Paris  ? Non, mais malheureusement elles furent réprimées par l’armée et à Marseille, Crémieux, un des organisateurs sera fusillé. A Lyon, la venue de Michel Bakounine en septembre 1870 n’a pas impulsé un mouvement conséquent. Un texte de cet auteur souligne en juin 1871 qu’une révolution ne se décrète pas. Les notices fournissent une analyse fine de cet «  avant-Commune  ».

A Paris, des femmes et des hommes vont se mobiliser à compter du 18 mars pour la Commune. Une notice tente d’en donner une définition que nous vous invitons à découvrir. Quelle légitimité avait-elle  ? Des milliers de parisiens, les femmes ne votaient pas, ont élu leurs représentants. Leur programme est étonnamment moderne et les conseils, sur une très belle affiche, pour désigner les représentants font encore écho aujourd’hui. 

La lecture de ce monument donne le sentiment de parcourir les rues de Paris, de se rendre dans les clubs en croisant des têtes connues, Nathalie Le Mel, Charles Delescluze, Jean Allemane, Emile Duval assassiné par les Versaillais à Clamart, Les frères Reclus, mais il y aussi les obscurs, les sans-grades ceux se battaient «  simplement  » pour une république démocratique et sociale, jusqu’à leur mort. Les femmes même non éligibles ont toute leur place, Eulalie Papavoine, André Léo, son nom de plume qui restera dans l’histoire, Anna Jaclard, une noble russe, tout comme Elisabeth Dmitrieff et évidemment Louise Michel. Mais il y tous les autres, cette autre Louise, vous la connaissez uniquement par son prénom… Oui, une infirmière au bas de Belleville, rue de la Fontaine-au-Roi, apporte son aide aux derniers combattants dont un certain Jean-Baptiste Clément qui lui dédicacera son Temps des cerises. Et puis, X… un communard inconnu, tombé au Père-Lachaise le 27 mai. «  Clôturer la partie biographique de ce dictionnaire avec ce mort privé de nom sera une manière de rendre hommage aux milliers de combattants de la Commune condamnés à rester anonymes  » car fusillés au coin d’une rue, jetés dans une fosse commune, oubliés dans les catacombes.

Un récit passionnant et analytique

Le lecteur sera séduit par la qualité des échanges entre les différents acteurs de la Commune. Ouvriers, artisans, journalistes, on disait publicistes, gens du peuple, ils prennent à bras le corps les enjeux. De quelle république parle-t-on  ? Certes, Vallès donne de sa voix dans le Cri du Peuple, mais ce même peuple s’exprime dans les clubs qui favorisent ainsi l’expression d’une culture politique populaire, originale et influente, on y croise par exemple Paule Mink, une militante féministe ardente.

Certes, les canonnades rythment la vie des habitants mais la Commune impulse un certain nombre de réformes comme la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la question des loyers et du logement. Hugues Lenoir souligne dans une notice consacrée à l’éducation, les innovations notamment dans l’égalité entre les garçons et les filles, en matière pédagogique, Jean Louis Robert développe l’organisation des services publics dont celui de la justice. Des auteurs qui nous sont connus. La vie, ce sont aussi les chansons, les pièces de théâtre, les journaux comme Le Père Duchêne et plus original les jeux de hasard que la Commune interdira.

A la différence de nombreux ouvrages, celui-ci donne aussi la parole à ceux d’en face, aux opposants, notamment les écrivains, rappelle que des hommes comme Louis Blanc, une figure de 1848, Henri Tolain, un des fondateurs de l’AIT seront en désaccord avec la Commune. La section «  Débats et controverses  » montre les échanges vigoureux, Marx, Bakounine, les différentes visions et de la Commune et du socialisme. Impossible de mentionner la totalité des thèmes, vous irez au fil des pages comme des rues de la capitale. Il faut souligner la qualité de l’iconographie, la mise en page qui font de ce livre un outil de travail et de réflexion pour les chercheurs, les militants, un guide pour tout lecteur curieux de découvrir ces jours de «  liberté sans rivages  » selon l’expression de Jules Vallès. J’insisterai sur la notice La société fraternelle des anciens combattants de la Commune dont notre association des Amies et des Amis de la Commune est l’héritière.

Pour reprendre en conclusion une question initiale, a-t-on tout écrit  ? Non répond Quentin Deluermoz, les archives ne sont pas toutes exploitées et le travail initié par Jacques Rougerie, le grand spécialiste de la Commune, est loin d’être achevé, voilà qui laisse des perspectives aux jeunes générations.

Pour nous militants, elle reste certes une source d’inspiration mais comme l’écrit Louise Michel dans ses Mémoires de 1886, «  En révolution, l’époque qui copie est perdue, il faut aller de l’avant.  »

FRANCIS PIAN

La Commune de Paris. 1871.
Les acteurs, les événements, les lieux
Coordonné par Michel Cordillot
Editions de l’Atelier
1440 pages
Format : 17 cm x 24 cm
34,50 €