Rouges Estampes, une enquête pendant la Commune de Paris

Jean-Louis Robert, Carole Trébor, Nicola Gobbi, éditions Steinkis.
Du pinceau à l’idéal !

Hormis quelques artistes connus tels Courbet ou Dalou, ils sont nombreux ces jeunes créateurs qui refusent la pesanteur de l’académisme bourgeois des salons officiels. Menant une vie de bohème et sans ressources, ils s’engagent avec enthousiasme dans la construction de cette République universelle, démocratique et sociale. 

Un dessinateur, Nicola Gobbi, une scénariste, Carole Trébor, et l’éminent spécialiste de la Commune l’historien Jean-Louis Robert vont donner vie à ces journées au travers d’une bande dessinée s’appuyant sur une enquête policière, Rouges estampes

Une couverture avec un drapeau rouge «  Vive la Commune  », des fleurs de magnolia d’où perlent des gouttes de sang, des femmes, des hommes qui se lèvent. Le ton est donné. Raoul, le jeune héros de cette histoire, graveur et dessinateur, s’engage dans la Garde nationale, mais l’histoire commence par la fin. Il écrit à sa mère sur une de ces prisons flottantes dans le port de Brest en 1872. 

Une tonalité de reportage

Les traits fins et précis en deux couleurs, le noir et le rouge, donnent une tonalité de reportage à cet ouvrage. Des scènes prises sur le vif accompagnent des gravures, des photos contemporaines des évènements. Le lecteur peut se laisser guider par l’histoire romanesque qui sert de trame à cette remontée dans l’Histoire. 

Les auteurs s’attachent à nous faire participer aux évènements au travers de la vie d’un jeune couple, Raoul et Nathalie, institutrice à Montmartre dans l’esprit de Louise Michel… Tiens, la voilà qui s’approche des soldats chargés d’emporter les canons de la Garde  ! Une vignette magnifique pour cette confrontation. D’autres adaptent des photographies de l’époque. S’entremêlent des considérations politiques et des appréciations sur la valeur des vies. «  La vie des généraux et des bourgeois vaut-elle plus que celle des ouvriers  ?  »

Révolte et enthousiasme

Les personnages les plus connus sont mêlés au peuple. On reconnaît Varlin, Courbet, Bracquemond, Vallès. Dans les dialogues, les antagonismes entre Parisiens surgissent, qui montrent la complexité des relations entre républicains communards et d’autres plus tentés par le compromis avec le gouvernement dans le souci de préserver la paix. À chaque page, des gueules du peuple, des ouvriers, des artisans, des enfants, des femmes. Ces dernières se battent souvent au premier rang, elles savent ce qu’elles peuvent perdre si Versailles l’emporte. Tous ces acquis grâce à la Commune animent les pages (séparation des Églises et de l’État, égalité des salaires, liberté d’expression et de réunion, école professionnelle pour les filles). Pourtant, inexorablement les troupes versaillaises avancent, la photo des ruines du fort d’Issy assaille le lecteur et annonce la violence des combats. Les planches présentant l’entrée des versaillais par la porte du Point-du-jour montrent qu’il n’y aura pas de quartier.

Et l’enquête policière dans cette histoire ? À vous de la découvrir ! L’avenir de ce jeune couple porteur d’idéal ? À vous de le deviner en admirant la beauté et la tendresse de la page 112 ! Un livre de cette force ouvre des perspectives à l’esprit.  Non, elle n’est vraiment pas morte cette Commune. Bonne lecture.

Francis Pian


Jean-Louis Robert, Carole Trébor et Nicola Gobbi
Rouges Estampes
Steinkis éditions
Parution mars 2021
19 €