Révolution

Ludivine Bantigny

Surtout, ne pas confondre le titre de ce livre de Ludivine Bantigny avec l’opuscule laborieux commis par Emmanuel Macron, lors de la campagne des élections présidentielles, en 2017. Ce terme de «  Révolution  », trop souvent utilisé inconsidérément, est ici envisagé dans son acception la plus noble, et non pas comme peuvent s’y risquer de pauvres histrions. 

Révolutionnous interpelle au sens où l’entendaient les malmenés de l’Histoire. Révolution permanente(superbement chanté par Georges Moustaki), est-ce une utopie difficilement accessible  ? Dans son ouvrage, Ludivine Bantigny rejette l’idée d’un «  tombeau pour une Révolution défunte  », préférant affirmer que ce bouleversement sociétal «  embrasse l’avenir en serrant le passé dans ses bras.  » L’auteure de de ce petit livre ne manque pourtant pas de rappeler toutes les défaites des révoltés, comme la férocité des actions répressives face aux insurrections populaires qui allaient agiter le XIXe siècle  : «  des Canuts de 1831 aux ouvriers de 1848, de la Commune qui a eu l’audace de renverser l’ordre des puissants, et le montrait pour ce qu’il était.  »

Comment les esprits libres pourraient-ils s’abstenir de rêver de Révolution  ? Encore faudrait-il déterminer la résolution de ceux qui ne peuvent que l’envisager. Tandis que d’autres n’hésitent jamais à utiliser cette perspective pour de tristes réformes ayant pour objet de consolider un monde de domination toujours plus oppressif mais honteusement présenté comme «  progressiste  ».

Ludivine Bantigny s’attache à montrer du doigt ces «  réformateurs  » qui, sans vergogne, détournent le mot de Révolution pour des fins opposées à l’ambition de ceux qui désirent réellement transformer ce monde malade, réduisant le rêve en «  argument de vente  ». En s’éloignant des vieux clichés glorieux pour présenter les révolutionnaires tels de sanglants agitateurs. Ceux-là veulent surtout nous convaincre de la joie de ceux qui s’appliquent à tenter de vivre somptueusement dans une société de profit, au détriment d’un monde égalitaire. D’où cette réaction bien naturelle d’éprouver une certaine «  jubilation pour exprimer tout ce qui est ressenti, (cette) liesse de se retrouver, l’allégresse de l’ordre bravé, de l’inattendu et de l’intensité vécue.  »

Comment ne pas nous remémorer cette invitation à un avenir ambitieux, formulé par Arthur Rimbaud  : «  Changer la vie  !  » Comment ne pas se souvenir de ce cri lancé par Louise Michel, à ses geôliers versaillais, en décembre 1871  : «  Vous savez bien que si je ressortais vivante d’ici, je vengerais les martyrs  ! Vive la Commune  !  » Un demi-siècle plus tard, Rosa Luxembourg, bientôt assassinée par les forces de l’ordre «  socialistes  », ne manquait pas d’affirmer  : «  Nous sommes campés sur ces défaites et nous ne pouvons renoncer à une seule d’entre elles, car dans chacune nous tirons une portion de notre force.  » Et Ludivine Bantigny nous renvoie au défi de la révolutionnaire polonaise face à l’immensité de la tâche insurrectionnelle qui connait bien plus de défaites que de victoires durables  : «  J’étais, je suis, je serai  !  » Belle affirmation, pleine d’optimisme, alors que l’horizon ne faisait que s’assombrir pour celles et ceux qui refusaient l’autoritarisme, quelle qu’en soit l’origine idéologique.

Comment ne pas s’attacher. A la mémoire de ces femmes révolutionnaires, souvent traitées de «  harengères  », qui s’étaient rendues à Versailles, en octobre 1789, pour ramener à Paris ce Roi censé leur donner ce pain auquel elles estimaient voir droit. Surtout, ne jamais oublier ces paroles de Gracchus Babeuf, initiateur de la Conjuration des Egaux, qui sera guillotiné en 1797, tant il gênait les hommes du Directoire  : «  Nos maîtres, au lieu de nous policer nous ont rendus barbares, parce qu’ils le sont eux-mêmes…  »

Il faudrait tout citer de cet essai, mais cela priverait le lecteur de l’envie de l’acquérir. Cela sans adhérer nécessairement à la révolte d’une certaine catégorie d’enragés, vêtus de Gilets jaunes qui, le 1erdécembre, exprimaient leur révolte par une banderole délivrant une vérité incontournable  : «  Les véritables casseurs sont chefs d’Etat  !  »

Maurice Rajsfus

Révolution, par Ludivine Bantigny
Editions Anamosa
104 pages
9 €