Quand viendra-t-elle ?

EUGÈNE POTTIER

Ce poème d’Eugène Pottier a vraisemblablement été composé vers la fin des années 1850 (cf. Temporalités 12/2010. Revue de sciences sociales et humaines) sous le titre Jacques et Marianne, l’auteur ne l’ayant fait connaître au public que durant la guerre franco-prussienne de 1870.
Construit sur le genre de la « plainte », le poème utilise la technique du camouflage, utilisée fréquemment en raison de la censure exercée sous le second empire. Derrière la belle se cache l’espérance de « la Sociale » et de jours meilleurs.
Émouvante interprétation par Mouloudji, extraite du CD « La Commune en chantant », paru chez Disc’AZ en 1971 et réédité en 1988 et ci-dessous une version en public du collectif La Commune en chantant enregistré en 2021.
Retrouvez l’intégralité du concert du collectif sur notre page La Commune en chantant – le concert

Quand viendra-t-elle  ?

J’attends une belle,
Une belle enfant,
J’appelle, j’appelle,
J’en parle au passant.
Ah ! je l’attends, je l’attends !
L’attendrai-je encore longtemps ?

J’appelle, j’appelle,
J’en parle au passant.
Que suis-je sans elle  ?
Un agonisant.
Ah  ! Je l’attends, je l’attends  !
L’attendrai-je encore longtemps  ?

Que suis-je sans elle  ?
Un agonisant.
Je vais sans semelle,
Sans rien sous la dent…
Ah  ! Je l’attends  ! Je l’attends  !
L’attendrai-je encore longtemps  ?

Je vais sans semelle
Sans rien sous la dent
Transi quand il gèle,
Sans gîte souvent.
Ah  ! Je l’attends, je l’attends  !
L’attendrai-je encore longtemps  ?

Transi quand il gèle,
Sans gîte souvent,
J’ai dans la cervelle
Des mots et du vent…
Ah  ! Je l’attends, je l’attends,
L’attendrai-je encore longtemps  ?

J’ai dans la cervelle
Des mots et du vent.
Bétail on m’attelle
Esclave on me vend.
Ah ! je l’attends, je l’attends !
L’attendrai-je encore longtemps ?

Bétail, on m’attelle.
Esclave, on me vend.
La guerre est cruelle,
L’usurier pressant.
Ah ! je l’attends, je l’attends !
L’attendrai-je encore longtemps ?

La guerre est cruelle,
L’usurier pressant.
L’un suce ma moelle,
L’autre boit mon sang.
Ah ! je l’attends, je l’attends !
L’attendrai-je encore longtemps ?

L’un suce ma moelle,
L’autre boit mon sang.
Ma misère est telle
Que j’en suis méchant.
Ah ! je l’attends, je l’attends !
L’attendrai-je encore longtemps ?

Ma misère est telle
Que j’en suis méchant.
Ah ! viens donc, la belle
Guérir ton amant !
Ah ! je l’attends, je l’attends !
L’attendrai-je encore longtemps ?