Notre-Dame-Des-Landes : un pot commun pour que vive l’utopie concrète

Construction de cabanes en bois © Llann Wé – Wikimedia Commons

Geneviève Coiffard-Grosdoy, militante historique de la lutte de Notre-Dame-des-Landes, a été mandatée par les habitants de la ZAD pour coprésider le fonds de dotation «  La terre en commun  ». Elle nous parle de ce pot commun géant en train de se constituer pour que la ZAD demeure un territoire de communs.

L’ÂGE DE FAIRE : Quel est l’intérêt de constituer un fonds de dotation pour la ZAD  ?

GENEVIÈVE COIFFARD-GROSDOY : Le projet d’aéroport est abandonné, ça, c’est fait. Maintenant, il faut lutter pour que ce territoire reste une zone d’utopie concrète, inédite par sa taille, sur le long terme. Qu’il ne soit pas, peu à peu, morcelé entre propriétaires, qu’il ne serve pas à l’agrandissement d’exploitations, que ses zones naturelles soient supprimées ou restreintes, etc. La solution, c’est la propriété collective et sa gestion par tous les habitants de la ZAD. Le fonds de dotation permet cela  : une entité commune propriétaire des terres et des bâtis, et celles et ceux qui y vivent décident des usages.

À quoi pourrait ressembler cette utopie concrète ?

G. C.-G. : À ce qui existe déjà ! Aujourd’hui, la ZAD est une petite société en ébullition où, sur environ 300 hectares, on trouve des agriculteurs, des menuisiers, des brasseurs, des bibliothécaires, des forgerons, des couturiers… Il y a une chorale, une halte-garderie, des concerts, des expositions… Et tout cela se fait, c’est le plus important, dans un souci constant d’autogestion, d’auto-organisation. Aucune personne ou aucun des collectifs ne décide à la place des autres. Les décisions qui concernent l’ensemble de la communauté sont prises en assemblée des usagés, l’agora des habitants. Il y a beaucoup de chantiers collectifs, beaucoup d’entraide entre les groupes, on mutualise les outils de travail, on pratique la gratuité. Et, bien sûr, il y a aussi la place essentielle accordée à la préservation et à l’enrichissement de la biodiversité. Ici, on expérimente une façon de vivre cohérente face à la crise climatique. On est à l’opposé du modèle entrepreneurial individualiste, fondé sur le pouvoir pyramidal, la concurrence et la prédation des ressources. Cette « bulle » d’utopie concrète est très ouverte. Ce n’est pas une communauté fermée qui cherche l’autarcie en petit comité, mais un carrefour des luttes, où toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. C’est un formidable élan, qui ne demande qu’à grandir, qu’il faut pérenniser. Sinon, il disparaîtra.

Le fonds de dotation permettra de racheter les terres vendues par l’État, c’est bien ça  ?

G. C.-G. : Dans l’idée, c’est ça  : juridiquement, la ZAD appartient à l’État et au conseil départemental de Loire-Atlantique, qui peuvent vouloir s’en débarrasser plus ou moins rapidement. Sur le terrain, la situation est complexe car le zonage est très morcelé, il y a la question du bâti et celle du foncier agricole… C’est du cas par cas pour chaque parcelle. Il faut qu’on se tienne prêts et qu’on ait les moyens de racheter les terres et le bâti quand ils seront mis en vente. Cela peut aller très vite dans certains cas, cela pourra prendre des années pour d’autres. Sur les parcelles où ont été signées des conventions d’occupation précaire (NDLR  : une quinzaine), les signataires sont prioritaires à l’achat. Mais il n’est pas question pour eux d’accaparer ces terres. Celles-ci rejoindraient le pot commun grâce au fonds de dotation.

Si je veux participer à ce pot commun, comment je fais  ?

G. C.-G. : Vous faites un don au fonds de dotation «  La terre en commun  ». Le fonds de dotation est une structure juridique, entre l’association et la fondation, permettant l’acquisition de terres et de bâtis de manière collective, sans système de parts ni d’actions. Cela signifie que le projet ne peut pas être à visée spéculative et ne peut être fragilisé par des personnes voulant «  récupérer leurs billes  ». Le pouvoir n’est d’aucune manière lié aux sommes apportées  : les décisions sont prises par un conseil d’administration constitué de personnes mandatées par l’assemblée des usages, pour promouvoir les valeurs défendues par le mouvement  : pratique des communs, entraide, mutualisation, respect et protection de la biodiversité. Il est difficile pour le moment d’évaluer précisément les sommes nécessaires car nous manquons de visibilité sur ce qui va être vendu, et quand. Et à quel prix… À 1 600 euros minimum l’hectare de terre agricole dans la région, avec les bâtis et leur rénovation, notre estimation est de 3 millions d’euros.

RECUEILLI PAR FABIEN GINISTRY

Entretien paru en mai 2019 dans le n° 141 de L’Âge de faire et reproduit ici avec l’aimable autorisation de ce média alternatif.

Le fonds « La terre en commun » est reconnu d’intérêt général :
les donateurs et les donatrices bénéficient de réductions d’impôts
à hauteur de 66 % des sommes versées.
Toutes les informations sur www.encommun.eco
et au 07 66 25 66 59.
Pour donner, par virement ou CB sur www.encommun.eco
Et par chèque à l’ordre de : Fonds de dotation La terre en commun à envoyer à :
La terre en commun/Les Fosses noires
44130 Notre-Dame-des-Landes