L’Internationale

EUGÈNE POTTIER

Ce poème d’Eugène Pottier est édité pour la première fois en 1887 dans le recueil intitulé Les Chants révolutionnaires. Le poème est accompagné de l’indication suivante : « Paris, juin 1871 », mais rien n’atteste de sa rédaction à cette date. Deux versions du texte sont connues à ce jour, c’est la seconde version qui fera l’objet de la première édition et reste le texte de référence aujourd’hui.
Le poème sera mis en musique en 1888 par Pierre Degeyter à la demande de la chorale la Lyre des Travailleurs, chorale ouvrière lilloise du Parti ouvrier français, qui en sera la première interprète.
* Dédié au citoyen Lefrançais, membre de la Commune.

L’Internationale

C’est la lutte finale :
Groupons-nous, et demain,
L’Internationale
Sera le genre humain

Debout ! les damnés de la terre !
Debout ! les forçats de la faim !
La raison tonne en son cratère :
C’est l’éruption de la fin.
Du passé faisons table rase,
Foule esclave, debout ! debout !
Le monde va changer de base :
Nous ne sommes rien, soyons tout !

ll n’est pas de sauveurs suprêmes :
Ni Dieu, ni César, ni tribun,
Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes !
Décrétons le salut commun !
Pour que le voleur rende gorge,
Pour tirer l’esprit du cachot,
Soufflons nous-mêmes notre forge,
Battons le fer quand il est chaud !

L’État comprime et la loi triche ;
L’Impôt saigne le malheureux ;
Nul devoir ne s’impose au riche ;
Le droit du pauvre est un mot creux.
C’est assez languir en tutelle,
L’Égalité veut d’autres lois ;
« Pas de droits sans devoirs, dit-elle
« Égaux, pas de devoirs sans droits ! »

Hideux dans leur apothéose,
Les rois de la mine et du rail
Ont-ils jamais fait autre chose
Que dévaliser le travail ?
Dans les coffres-forts de la bande
Ce qu’il a créé s’est fondu
En décrétant qu’on le lui rende
Le peuple ne veut que son dû.

Les Rois nous soûlaient de fumées,
Paix entre nous, guerre aux tyrans !
Appliquons la grève aux armées,
Crosse en l’air, et rompons les rangs !
S’ils s’obstinent, ces cannibales,
À faire de nous des héros,
Ils sauront bientôt que nos balles
Sont pour nos propres généraux.

Ouvriers, paysans, nous sommes
Le grand parti des travailleurs ;
La terre n’appartient qu’aux hommes,
L’oisif ira loger ailleurs.
Combien de nos chairs se repaissent !
Mais, si les corbeaux, les vautours,
Un de ces matins, disparaissent,
Le soleil brillera toujours !

C’est la lutte finale :
Groupons-nous, et demain,
L’Internationale
Sera le genre humain