La Combattante et le Zouave noir Nuit du 30 avril 1871

FLORENCE BELENFANT, ÉDITIONS DU MONDE LIBERTAIRE.

L’espace d’une nuit

Il fait frais, sur Clamart et Issy, cette nuit du 29 au 30 avril 1871. Une femme, Louise Michel et un homme, un zouave pontifical rallié à la Commune vont veiller dans les tranchées autour de la gare de Clamart à deux pas des versaillais et échanger sur leur vision du monde, de la beauté, de leur culture respective, de la liberté. Ils vont et viennent toute la nuit jusqu’au petit matin en attendant que Maxime Lisbonne les relève. C’est long une vraie nuit, sombre, profonde avec de temps en temps des coups de canon et les cris d’en face. Voilà qui permet à Florence Belenfant de parcourir l’œuvre de Louise Michel, de montrer le chemin à accomplir.

Elle connaît bien Clamart, Florence. Elle sait que la butte du Moulin de pierre domine la cuvette de la gare. Après le conflit, la violence des combats conduira à la démolition des lieux, Moulin de pierre, gare et fort d’Issy. Il reste les souvenirs et les évocations. 

Une pièce de théâtre est née

Mais comment peut-on avoir l’idée d’écrire une pièce, une fantaisie communarde dans ce cadre  ? Florence nous le révèle dans sa Genèse remaniée, la découverte d’un manuscrit et l’alchimie opère, les rencontres, la lecture des textes de Louise… une pièce de théâtre est née. L’imagination de son auteur côtoie les propos de Louise. Les lecteurs avertis retrouveront des échos de ses livres. «  Le fort est magnifique, une forteresse spectrale, mordue en haut par les Prussiens.[…]Voici les femmes avec leur drapeau rouge percé de balles que saluent les fédérés.  »

Un temps de poésie  : «  On va au fort d’Issy par une petite montée entre des haies, le chemin est tout fleuri de violettes qu’écrasent les obus.  » Tout est exact, la petite montée, c’est la saison des violettes en avril. La vie et la violence des armes. Le zouave aussi a existé, il faisait partie du bataillon de Victorine Brocher.

Comment peut-on vivre dans ces combats  ? «  Quel effet vous fait la vie que nous menons  ?  », demande le zouave. Louise répond  : «  L’effet de voir devant nous une rive à laquelle il faut atteindre  ». Lui  : «  Moi, ça me fait l’effet de lire un livre avec des images.  » Différence de culture, nécessité de l’échange. Le thème de la beauté et de ses canons qui diffèrent selon les origines est un beau point de départ, tout comme les souvenirs de leur enfance en Afrique et en Haute-Marne.

«  Une rive à laquelle il faut atteindre  »

Évidemment la Commune, ses aspirations, le statut des femmes les occupent tous deux. Louise  : «  La Commune est née de l’indignation contre les lâchetés, des incapacités de ceux qui nous gouvernaient.  »

Le texte de la pièce est très dense et reflète bien les différentes préoccupations de Louise Michel, même la souffrance des animaux, celle des êtres humains, son incapacité à se sentir libre si d’autres personnes ne le sont pas, Bakounine n’est pas loin.

La nuit s’achève, les balles sifflent, Lisbonne arrive mais Louise ne s’arrêtera pas là devant cette gare de Clamart. Elle poursuivra son combat face à ses juges et jusqu’au bout. Sur le bateau vers le bagne, elle prend conscience que le pouvoir est maudit et devient anarchiste. Les derniers mots du zouave et de la pièce, peut-être les plus forts  : «  La Louise que je préfère est une femme à la fois forte et douce, comme sa voix. […] Le plus important  : Louise, qui ne transigeait pas, n’a jamais trahi ses idées.  »

Pour mieux comprendre cet échange, Florence Belenfant nous livre quelques trésors comme le conte écrit par Louise en 1872, La Vieille Chéchette, sa réponse à l’enquête sur la Commune dans La Revue blanche dirigée par Félix Fénéon, une biographie démontrant la complexité de ses actions et de sa volonté, les faits saillants de son rôle pendant la Commune. Ses conférences diffusaient une énergie hors du commun pour donner le courage de combattre, drapeau noir en tête. «  C’est en dansant sur le contretemps que l’énergie de Louise Michel nous ravive et que ses faiblesses nous rassurent.  »

Francis PIAN

Florence Belenfant
La Combattante et le Zouave noir
Nuit du 30 avril 1871
Éditions du Monde Libertaire
140 pages
10 €