Biens communs, commun… Commune !

Popularisée par les combats contre le barrage de Sivens (Tarn), le projet de nouvel aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), ou encore l’enfouissement des déchets radioactifs ultimes à Bure (Meuse), la ZAD, ou «  zone à défendre  », fait désormais florès dans les pratiques citoyennes et militantes. 

Pas de mois ou de semaine sans que les médias alternatifs ou la presse nationale s’emparent d’une situation de résistance nouvelle ou ancienne face à la rapacité de celles et ceux qui n’entendent pas baisser la garde du développement économique à tout crin, gage de leurs profits as usual.
Comme en écho au texte prémonitoire d’Élisée Reclus – Du sentiment de la nature dans les sociétés modernes– rédigé en 1866, ces actes de résistance locale, ces luttes citoyennes qui se multiplient, montrent qu’il est possible d’imaginer un autre monde où la notion de commun l’emporte sur le profit à court terme et le chacun pour soi.
Forêts, terres maraîchères ou encore bord de mer, les quatre relations qui suivent montrent à quel point les démarches citoyennes en défense des biens communs ne manquent ni de participant·e·s ni d’imagination et encore moins de détermination.

Du plomb dans les voiles, à Brétignolles-sur-Mer (Vendée)

Dans L’Âge de fairede novembre 2019, Marie Pragout signe un article intitulé «  Une ZAD dans les dunes s’inspire de Notre-Dame-des-Landes  ». 

À Brétignolles-sur-Mer, en Vendée, le maire a engagé des travaux pour la construction d’un futur port de plaisance  : 915 anneaux d’amarrage sur 40 hectares d’aménagement. Le hic, c’est qu’il faut pour cela raser une dune protégée, faire rentrer l’eau dans les terres déjà fragilisées, détruire une zone humide, réserve d’oiseaux migrateurs, et enfreindre la loi Littoral de 1986… Une paille apparemment pour le maire bétonneur qui a cependant trouvé face à lui 2 500 manifestants à ce funeste projet, suite au début des travaux le 30 septembre dernier. Puis à nouveau 1 500 manifestants, le lendemain, dont certain·e·s se sont interposé·e·s devant les bulldozers, permettant d’arrêter le chantier.

CQFD de décembre 2019, par un article de Gérard Lancien intitulé «  Balance ton port  », relaie également cette lutte. Le journaliste précise que, «  depuis début octobre, une tour en bois de palettes, dans le plus pur style zadiste, surplombe la plage de la Normandelière à Brétignolles-sur-Mer. Et c’est la panique chez les édiles, à commencer par le maire de cette commune vendéenne de 4 000 habitants qui s’est, constate un observateur, “tiré une balle dans le pied” en envoyant ses bulldozers saccager la dune d’un site classé (…). Ce que dix-sept années d’opposition légale n’avaient pas réussi, la “ZAD de la Dune” l’a obtenu en quelques jours  : emballement médiatique, large soutien de la population (2 500 personnes au rassemblement du 6 octobre), bulldozers arrêtés. Favorisée par cet effet ZAD, l’opposition historique à ce projet aberrant, principalement rassemblée dans l’association La Vigie, a gagné une visibilité nationale qui lui faisait défaut et, conséquemment, un soutien croissant à son combat. (…)Une poignée de jeunes du coin, fortement soutenus par de nombreux habitants et vieux paysans [se sont proclamés] “gardiens de la dune”[et se sont installés] sur un terrain privé au cœur de la zone dont la mairie n’avait pas réussi à circonvenir les propriétaires, ajoutant leur stratégie “désobéissante” (mais non violente) à celle plus classique des opposants historiques lancés dans de nombreux recours administratifs. La stratégie du saccage est donc, pour le moment, enrayée. Le projet de “Port Brétignolles” a désormais du plomb dans les voiles  ».

À Arlon (Belgique), les prédateurs sont dans les bois

Dans une chronique intitulée En Belgique  : contre le béton, on ZAD aussi, nos amis de Radio Parleurrelatent, le 13 décembre dernier, la situation de la ZAD de la Sablière, située à côté d’Arlon, capitale de la province de Luxembourg, en Belgique. C’est une zone naturelle de 31 hectares qui doit être détruite pour faire place à près de 6 hectares consacrés à une énième «  zone d’activités économiques  ». «  La ZAD d’Arlon n’est pas la première ZAD belge, mais la mobilisation qui gravite autour del’ancienne sablière est particulièrement importante. Ils·elles sont plusieurs centaines chaque week-end à venir sur la ZAD pour apporter du soutien. Des comités se sont aussi créés pour organiser des évènements de soutien (…).  »

Dans son numéro de décembre, CQFD s’empare également de ce sujet à travers un article au titre de circonstance  : «  Zone (belge) à défendre  ». «  La marche des choses se traduit ici par la volonté de détruire une belle forêt qui a poussé sur une ancienne sablière fermée en 1978, classée en zone de grand intérêt biologique par la Région wallonne, et où se sont installées des dizaines d’espèces rares ou protégées.  » Parmi les zadistes, Sylvie (étudiante en biologie) qui affirme au journaliste de CQFD  : «  On a choisi l’occupation permanente du terrain. Et c’est étonnant de constater que, depuis qu’on occupe le site, les bourgmestres et autres élus viennent nous voir pour nous parler. Même Idelux (la structure intercommunale du coin à la manœuvre pour le bétonnage de la forêt de la Sablière)veut nous rencontrer. D’un coup, en s’opposant frontalement, en dehors de leurs règles, à leurs délires de croissance capitaliste qui détruit l’environnement aussi sûrement que 1 et 1 font 2, on est redevenus visibles.  » 

Et le reporter de Radio Parleur de conclure : « Radicaux ou non, les occupant·e·s de la ZAD vont continuer le combat. Ils et elles l’ont rappelé dans un communiqué partagé le lendemain du lancement de la procédure d’expulsion (le 6 décembre 2019) :“La détermination reste sans faille et l’occupation continuera tant que le projet n’est pas abandonné.”Les militant·es confient eux qu’ils et elles sont prêt·es à passer l’hiver sur la zone.  »

«  Des tomates séchées, pas des écoquartiers  », à Dijon

Dans Le Monde du 28 novembre 2019, Camille Bordenet revient sur la lutte victorieuse des jardiniers-squatteurs du « Quartier libre des Lentillères » à Dijon.

« […] Le maire de la capitale bourguignonne, François Rebsamen, a annoncé, lundi 25 novembre, l’abandon de la deuxième phase d’un projet d’écoquartier. Celle-ci prévoyait la construction de six cents logements, bureaux et services […] sur un triangle de terre de sept hectares, précieusement gardé : les derniers vestiges de l’enceinte maraîchère. Ce conflit d’aménagement remonte à 2010, lorsque la ville officialise sa volonté d’y construire un nouvel écoquartier – elle en compte quatorze en tout. » C’est sans compter sur un certain nombre d’habitants et de citoyens qui entreprennent alors d’occuper illégalement ces terres laissées à l’abandon par les derniers maraîchers et de les défricher. Et la journaliste de poursuivre : « […] Au fil du temps, et des installations, un quartier bigarré et autogéré par une centaine de personnes voit le jour, où se côtoient maraîchers, zadistes, migrants, étudiants entre l’édile sûr de son droit et les zadistes du « Quartier libre des Lentillères » qui n’entendent pas rentrer dans le rang au coup de sifflet et abandonner l’expérimentation sociale construite au fil du temps : « l’apprentissage d’autres formes de vie collective et de façons d’habiter la ville ».

Dans le Morvan, une mobilisation citoyenne pour l’avenir des forêts

Libération relatait, le 17 novembre 2019, sous la plume de Lucas Martin-Brodzicki, son envoyé spécial, la mobilisation de près de 500 personnes, dans le département de l’Yonne, pour protester contre les «  coupes rases  », une pratique forestière d’abattage particulièrement mise en œuvre dans le Morvan. La «  coupe rase  », récurrente dans le massif forestier du Morvan, consiste à abattre en même temps tous les arbres d’une exploitation et à laisser le sol à nu. Les forêts naturelles, composées de feuillus, disparaissent les unes après les autres pour laisser la place à des plantations de résineux – pour l’essentiel des pins Douglas – qui poussent plus rapidement et sont très demandés dans les activités de construction. «  (…) Mais pour beaucoup, ils symbolisent l’industrialisation de la forêt. Dans le Morvan, ces peuplements purement résineux représentent déjà 30  % des surfaces forestières. (…) “Ce sont des pratiques agricoles. On plante des champs d’arbres”, s’indigne Frédéric Beaucher, président du groupement forestier du Chat sauvage.Avec d’autres habitants du coin, il rachète des parcelles menacées d’enrésinement.“On veut montrer qu’une autre sylviculture, plus durable, est possible”, ajoute Danielle, elle aussi membre du groupement. En trois ans, plus de 50 hectares ont déjà été rachetés.  » Fatales pour la biodiversité et accélératrices du réchauffement climatique, les coupes rases deviennent un enjeu écologique de première importance. Face à la surexploitation des forêts, la députée LFI Mathilde Panot (présente le 17 novembre) déclare qu’il est urgent d’inscrire dans la loi l’interdiction des coupes rases et que le devenir des massifs forestiers doit faire l’objet de décisions démocratiques. En attendant, les associations SOS forêt et Canopée Forêts vivantes continuent d’appeler à la mobilisation et à la vigilance citoyennes.

Reporterre, le quotidien en ligne de l’écologie publie des cartes des mobilisations contre des projets polluants ou inutiles qui sans prétendre être exhaustives recensent quelque 200 mobilisations collectives. https://reporterre.net/Carte-des-luttes