Faisons vivre la Commune ! aux Hauts de Belleville, retour sur le projet avec Élodie Barthélemy
Élodie Barthélemy, plasticienne nous livre un témoignage des différents ateliers (arts plastiques, poésie, chanson…) co-organisés par la MJC des Hauts de Belleville et Faisons vivre la Commune ! du 11 au 26 juin dans le cadre du projet De l’air ! Pour les 150 ans de la Commune.
Des ballons contre les injustices
L’installation « De l’air ! » inspirée des ballons de la Commune a été « lancée dans les airs » le samedi 26 juin 2021 depuis la MJC des Hauts de Belleville, installation qui venait clore la programmation réalisée à la MJC par l’association « Faisons vivre la Commune ! ».
Ces ballons postaux, fabriqués par les cinquante élèves des 3 classes de CM2 de l’école Télégraphe que j’ai reçus lors d’ateliers à la MJC, font référence à la quinzaine de ballons chargés de tracts envoyés par la Commune au-delà de l’enceinte parisienne et du siège afin de tenter de contrer les fausses informations diffusées par le gouvernement versaillais.
Une façon pour moi d’honorer la mémoire d’un communard méconnu qui me tenait à cœur : Thomas Couture Regnault (1823-1871), dessinateur, graveur et surtout inventeur, par exemple, d’un sablier permettant la diffusion lente des tracts communards lors du vol du ballon lâché dans les airs au gré du vent. Nadar disait de lui qu’il était le « fou le plus généreux et le plus héroïque que j’ai connu ». Ses dessins sont consultables dans les archives numérisées du musée Carnavalet.
Aujourd’hui ces ballons rouges en papier de soie sont porteurs de messages dénonçant des injustices, injustices vécues ou dont été témoins ces élèves de CM2, injustices écrites par eux sous forme de fiction lors d’ateliers d’écriture menés par le poète Luc Benazet.
Lors des ateliers avec les classes, Luc et moi, qui suis plasticienne, avons été témoins de discussion entre enfants relatant des situations pénibles vécues et cela a sans doute permis que la parole ne soit pas cantonnée à la cour de récréation. Nous avons été étonnés de constater que les mots harcèlement et victimisation sont très employés par les enfants quitte à niveler bien des réalités. Ce sont devenus des mots valises.
Le moment où les enfants devaient choisir un titre à tamponner sur l’enveloppe résumant le contenu de leur fiction a été ainsi assez révélateur. Afin d’éviter les termes injustice et harcèlement qui revenaient tout le temps pour rendre compte de leur fiction, je leur ai demandé quels sentiments ils ressentaient face à ces actes qu’ils relataient : alors haine, souffrance, solitude, ennui, vengeance, arbitraire sont sortis, humiliée, peur, violence, racisme, accident, école mais aussi forts ensemble, joie, écoutez-nous.
Luc a expliqué que toutes ces injustices ne pourraient être véritablement entendues que lors d’une révolte.
Je n’ai pas eu accès aux textes écrits car il était entendu avec Luc et les élèves qu’ils pourraient écrire ce qu’ils voulaient, que cela ne serait pas révélé.
La faisabilité de l’envol des ballons a souvent été évoquée. Le procédé technique de l’envol a peu à peu été compris.
Le fait que l’imagination fasse une partie du travail pour que le ballon puisse « voler » était important à faire saisir quoi que pas évident. C’était ma partie.
J’ai remarqué que nombre d’enfants n’utilisent plus leurs doigts, ne sachant qu’avec peine plier une feuille pour en faire une enveloppe.
Les peintures collectives de ciels chargés de ballons postaux ont été réalisées par groupe de quatre élèves avec une technique que j’ai inventée : la peinture au ballon de baudruche. On peint avec un ballon à moitié gonflé.
Atelier d’affiches avec les tout-petits, chants de la Commune, approche historique et rencontre avec Ludivine Bantigny
Les ateliers d’affiches avec des tout petits de 4 à 5 ans sont évidemment des moments d’allègre patouille, ce sont les parents qui choisissent les textes à coller à partir de paroles de chants de la Commune et qui demandent à savoir ce qu’a été la Commune dont ils ne savent rien.
Les ateliers de chants de la Commune regroupent plutôt des adultes en des moments joyeux parfois émouvants car Maïa Foucault est une excellente interprète et Joachim Machado un musicien rigoureux. Ces ateliers ont permis de diversifier les approches et les âges des participants.
Il y aurait pleins de choses à dire des présentations historiques et documentées de l’archiviste Marie-Aimée Dubois des Archives de Paris qui ont été suivies par un auditoire attentif et concerné les deux samedis durant deux heures et demi et ont suscité pleins de questions, d’autant plus qu’elle évoquait l’histoire du quartier puisque la rue Haxo et le lieu d’exécution des otages sont à quelques mètres des Hauts de Belleville et que ce bâtiment comprenant un foyer de jeunes travailleurs et une maison des jeunes et de la culture a été construit en 1959 sur un terrain offert par l’association « Œuvre des Otages » dans une volonté d’apaisement.
La rencontre avec l’historienne et écrivaine Ludivine Bantigny a été tout autant animée. Ici rue Borrégo, l’histoire affleure comme dans son passionnant livre La Commune au présent* qui explore cette vitalité de l’histoire de la Commune, cette survivance riche d’enseignements.
Élodie Barthélemy, plasticienne
De l’air ! pour la Commune est une programmation co-organisée par Faisons vivre la Commune ! et la MJC des Hauts de Belleville dans le cadre de la saison communarde. Les interventions des artistes ont été possibles grâce à commission Culture de la mairie du XXe pour Luc Benazet, les ateliers beaux-arts de la Ville de Paris pour Élodie Barthélemy, Faisons vivre la Commune ! pour les musiciens.
Un grand remerciement de l’équipe de Faisons vivre la Commune ! aux intervenant·e·s pour leur implication dans ce projet.
* Ludivine Bantigny, La Commune au présent, éditions La Découverte. Voir notre article.