Violences sur le macadam parisien : l’impasse
La camionnette avait été chargée la veille et nous nous sommes levés de bonheur, ce 1er mai 2021, pour occuper et décorer un arrêt de bus, soigneusement repéré, boulevard Voltaire, dans les jours précédents. L’occupation d’un point fixe, le long d’une manifestation importante, demande un peu d’organisation et de savoir-faire. C’est un investissement à la fois humain et matériel que quelques militant.es de Faisons Vivre la Commune ! ont consenti avec conviction, pour faire connaître, lors de ce défilé du 1er mai, les activités de l’association, créée pour accompagner les 150 ans de la Commune de Paris.
Manque de bol, cet arrêt de bus, soigneusement repéré et convoité s’est retrouvé, durant plus de deux heures, aux premières loges des affrontements entre quelques dizaines de personnes pour certaines vêtues de noir, pour d’autres porteuses de gilets jaunes et les compagnies de gendarmes et de CRS, dont les robocop étaient présents par centaines, devant et de part et d’autre du cortège informel de tête.
S’il est heureux que l’association ne compte aucun.e blessé.e parmi ses membres, nous pouvons légitimement nous interroger sur les raisons et les finalités de ces affrontements violents.
D’un côté, des forces de répression désormais en surnombre depuis plusieurs années. Des gendarmes et des CRS surarmés et dotés d’armes de guerre, comme les LBD et les grenades de désencerclement, capables de provoquer des blessures graves et des mutilations. Une doctrine du maintien de l’ordre qui pousse à la provocation et à l’escalade. Des techniques de « nassage » et de contrôle de celles et ceux qui souhaitent manifester qui sont devenues insupportables et qui, en réalité, ont pour but de décourager par la peur et la menace, de plus en plus de citoyen.nes, d’exercer leur droit fondamental de s’exprimer et de manifester. Un niveau de violence qui, de fait, est décidé et contrôlé par la préfecture de police. Certes, l’apaisement n’a jamais fait partie de la doctrine du « maintien de l’ordre à la française », mais le déchaînement répressif et violent des différentes forces de police utilisées, depuis les mobilisations contre la loi Travail en 2016, n’a cessé de monter en puissance.
De l’autre côté, des groupes ou des individuels, habitués des cortèges de tête informels, décidés à en découdre avec les flics et désireux de s’attaquer aux symboles du pouvoir et du capitalisme. Si la plupart de celles et ceux qui participent à ces cortèges de tête ne se reconnaissent pas ou plus dans les organisations traditionnelles, toutes et tous ne recherchent pas à tout prix l’affrontement avec les forces de l’ordre. Et il est tout à fait possible de partager avec elles/eux leur révolte contre la misère, les inégalités et cette société d’ordre et de privilégiés arrogants.
Ce sont les quelques dizaines de plus radicaux qui instrumentalisent et du même coup confisquent les manifestations par des actions violentes qui amènent les flics à réagir tout autant violemment, à bloquer les cortèges durant de longues heures et à gazer des milliers de participant.es. On ne voit pas bien où pourrait se trouver l’exemplarité ou l’effet d’entraînement de cet affrontement contre un état policier qui, dans les circonstances actuelles, est tout à fait en mesure de répondre à ces « coups d’épingle ». Le résultat de ces affrontements est sans appel. Il débouche sur encore plus de répression et d’équipements de guerre pour tous les genres de flics et encore moins de manifestant.es sur le pavé.
Il en va de même pour les symboles du capitalisme que ces manifestant.es entendent détruire sur leur chemin : banques, agences immobilières, mobilier urbain porteur de publicité, supermarchés. Les vitrines qui éclatent, les distributeurs de billets qui sont explosés ou le mobilier urbain qui part en fumée, ne font rien avancer du tout. L’ennemi capitaliste n’est absolument pas touché par ces toutes petites égratignures qui n’entravent en rien son fonctionnement et sa domination.
L’impasse est totale et le rapport de force dramatiquement déséquilibré. L’impatience révolutionnaire, s’il s’agit bien de cela, n’est pas un phénomène nouveau. Mais il n’est pas acceptable que les fantasmes d’affrontement totalement irréalistes de quelques un.es l’emportent sur la volonté de milliers de manifestant.es de défiler sans devoir s’affronter aux flics.
Quant à l’agression violente contre les membres du service d’ordre de la CGT, place de la Nation, que nous condamnons sans réserve, elle semble être d’une autre nature. Les flics ont assisté sans broncher à cette attaque en règle qui a fait une vingtaine de blessés parmi les membres du service d’ordre, empêchant même les camionnettes et les militant.es de sortir du périmètre de la dispersion. Cette collusion et les insultes racistes, sexistes et homophobes proférées durant cette attaque semblent porter la signature de nervis fascistes.
Philippe Rajsfus