Les Écrivains contre la Commune

Paul Lidsky, éditions La Découverte.
Les plumes de la bourgeoisie

Comment des écrivains, on ne disait pas des intellectuels, ont-ils pu être aussi aveugles, haineux, hystériques à l’égard de la Commune  ? Comment Flaubert, Maxime du Camp, Alexandre Dumas fils, Théophile Gautier ont-ils déversé autant d’injures  ? Ils étaient classés comme conservateurs, certes, mais Sand, Zola, Anatole France  ? Des figures que l’on présente de gauche, socialistes  ?

Passionnante synthèse que celle réalisée et republiée par Paul Lidsky. Aucun de ces écrivains ne participera, ni défendra la Commune, sauf Vallès, Verlaine, Rimbaud. Ce livre figure parmi les classiques du genre pour comprendre la société française de la fin du XIXe siècle et ses clivages.

Une référence  !

La bourgeoisie a peur de cette classe ouvrière qui émerge (cf. Classes laborieuses, classes dangereuses, de Louis Chevalier), elle laisse le soin aux gens de lettres d’afficher le mépris à l’égard de ces «  barbares qui sont au milieu de nous  ». Les quartiers de l’Est parisien, habités par une faune méconnue, suscitent nombre de fantasmes, un genre de cour des Miracles remis au goût du jour par Hugo, très ambigu lors de la Commune. 

Les écrivains déçus par 1848 vivent dans un entre-soi, broyés par la société napoléonienne. Ils se réfugient dans «  l’art pour l’art  » cher à Gautier. Le peuple ne peut pas goûter le raffinement. Les propos relèvent du racisme plus que du rapport de classes. Lors de la Semaine sanglante, Zola approuve «  le bain de sang  ». 

L’ouvrage de Paul Lidsky fournit ses citations, ses références, puis procède à une analyse serrée des arguments et idées véhiculées. L’objectif vise clairement à dégrader les Parisiens, le vocabulaire devient animalier, des «  gorilles  », des «  hyènes  », les femelles lapent. La description de Courbet par Dumas fils est édifiante  : «  accouplement d’une limace et d’un paon  ».

Propagande et caricature

Évidemment, les communeux sont des alcooliques, les femmes des malades sexuelles, tous sont des incultes, des déclassés. Dans la littérature postérieure à l’évènement, les récits relèvent de la propagande, il faut entretenir la peur. Les personnages sont typés. La femme est hideuse, l’ouvrier noceur et imbécile, le soldat versaillais, honnête, paysan qui veut retourner à sa terre son devoir accompli. La famille et le travail sont les vraies valeurs ! Pétain avant l’heure. Le peuple doit travailler, la culture pervertit (Anatole France). Aucun mot sur les idéaux de la Commune.

Paul Lidsky ajoute dans cette édition un chapitre consacré aux artistes engagés en faveur de la Commune, notamment via la Fédération des artistes. Des peintres, Pissarro, Manet, des sculpteurs, des architectes, des caricaturistes comme André Gill. Certains émigreront, d’autres finiront dans la misère dans cette ville qu’ils ont tant aimée.

Francis Pian


Paul Lidsky
Les Écrivains contre la Commune
suivi de Des artistes pour la Commune
Éditions La Découverte
mars 2021 
240 pages 
12 €