Fausse Commune, un projet théâtral de la Compagnie Espère un peu

Un entretien avec Pauline Labib-Lamour à l’occasion de la création de Fausse Commune, un projet théâtral écrit et mis en scène par Sophie Bricaire et Pauline Labib-Lamour. 

FAISONS VIVRE LA COMMUNE : Comment en êtes-vous venues, Sophie et toi, à vous inscrire dans cet anniversaire des 150 ans de la Commune  ?

PAULINE LABIB-LAMOUR  : C’est d’abord Sophie qui a apporté l’idée de s’intéresser à la Commune, parmi d’autres projets évoqués ensemble. Sophie souhaitait depuis longtemps monter un spectacle sur cet événement, et elle n’a pas eu besoin de beaucoup de temps pour me convaincre !
Nous nous sommes mises très vite d’accord sur ce que nous ne voulions pas  : pas de monument aux morts et pas de pièce historique au sens strict. Nous avions au contraire la volonté de nous emparer du sujet et d’en faire quelque chose de vivant, d’arriver à retraverser l’événement pour comprendre à la fois la force de ce rêve et sa force contraire – son écrasement violent. Nous voulions rentrer dans l’épaisseur humaine de cette aventure.

C’est le premier projet sur lequel nous avons travaillé à deux, Sophie et moi (il y en a eu ensuite un deuxième, Charge d’âme, que nous avons créé assez rapidement dans le cadre du prix Théâtre 13).
Nous avons commencé par une phase de documentation (qui n’est jamais vraiment finie !), et nous nous sommes aussi interrogées sur la méconnaissance actuelle de l’événement, en comparaison avec d’autres épisodes de l’histoire de France, parfois plus lointains, comme la Révolution française… Comme si l’on avait versé des tonnes de sable sur cet épisode, qui a traumatisé l’Europe mais qui est tombé dans l’oubli. 

La connaissance que nous en avions était d’ailleurs très sommaire, en raison de sa quasi-absence des programmes scolaires. Nos études supérieures en littérature, en particulier l’étude de l’histoire du XIXesiècle, nous ont permis de compléter, en partie, ce que nous avions appris au lycée –, mais qu’en est-il de celles et ceux qui n’étudient plus l’histoire au-delà de l’école ? 

FVLC  : Comment s’est déroulé le travail d’écriture de Fausse Commune  ?

P. L.-L.  : Je dirais qu’il y a eu deux grandes phases dans le processus d’écriture, et que nous attaquons la troisième phase aujourd’hui. 

La première phase a été un travail de construction. Nous avons d’abord ouvert les possibilités en nous plongeant dans une grande diversité de récits et de styles littéraires, et en laissant venir les impressions… Puis nous avons construit des personnages, en identifiant des personnalités historiques sur lesquelles nous désirions travailler et que nous souhaitions aussi «  habiller de fiction  » – c’est-à-dire déshabiller progressivement de leurs attributs historiques pour les doter de caractéristiques ou d’anecdotes relevant d’autres personnalités écartées lors de notre travail d’approche.
Nous avons commencé à mélanger les histoires – les vraies et les fausses ! – pour que Louise Michel devienne Louise, et Louis Rossel, Louis. Inspirés de ces personnalités très fortes (et d’autres encore, comme Eugène Varlin, Napoléon Gaillard ou encore André Léo), nos personnages ont progressivement pris leur indépendance. Enfin, nous avons imaginé un déroulé qui nous permettrait de traverser l’histoire de la Commune. Il s’agissait d’une sorte d’intrigue chorale, très incarnée, qui devait beaucoup à la lecture de l’ouvrage de Jacques Rougerie sur les procès de la Commune – à travers lequel on entend une myriade bouleversante de voix humaines et proches…